La traite des personnes existe bel et bien au Sénégal.

Sud Quotidien consacre son ouverture à la région de Kédougou, dans le Sud-est du Sénégal, frontalière de la Guinée et du Mali. ‘’La traite des personnes existe bel et bien au Sénégal. Elle se manifeste sous différentes formes, notamment la prostitution, l’exploitation d’enfants à des fins mercantiles, etc.’’,

écrit le journal dakarois. 

‘’Hormis d’être réputée pour l’exploitation de l’or, Kédougou est une région où les pires formes de travail des enfants et des travailleuses du sexe dans les zones d’orpaillage traditionnel sont une réalité’’, constate Sud Quotidien, dans un large dossier. 

Pour ce journal, l’absence de l’Etat et la porosité des frontières avec la Guinée et le Mali ainsi que la ruée vers l’or constituent ‘’un terreau fertile pour des réseaux bien organisés qui peuvent vivre des durs labeurs des filles et petits garçons convoyés sur les sites d’orpaillage’

Orpaillage traditionnel: le Sénégal perd 4 milliards en un an 

Dans le cadre d’une caravane de sensibilisation sur les sites d’orpaillage traditionnel à Kédougou, sous l’égide de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (CNLTP), en partenariat avec l’ONUDC, le BIT, l’UNICEF, l’Inspecteur régional du Travail et de la Sécurité sociale d’annoncer que les orpailleurs traditionnels ont empoché 4 milliards F Cfa entre 2011 et 2012, sans que cela n’ait aucune retombée dans les caisses de l’Etat.

Kharakhéna, le nom n’évoque probablement rien aux non initiés mais c’est le nouvel «Eldorado situé dans le département de Saraya, dans la région de Kédougou. Ce site d’orpaillage qui exerce une attraction sur des ressortissants de 9 nationalités en Afrique de l’Ouest, semble être un Etat entièrement à part dans le Sénégal. A l’exception d’une école à deux classes (multigrade), rien, cici, ne symbolise ou presque le Sénégal.

Pourtant, ce petit village fondé il y a une trentaine d’années, mais jadis anonyme il y a encore quelques mois, est le point de convergence en plus d’orpailleurs installés dans des sites traditionnels connus comme Sambarambougou, mais de milliers de personnes originaires des pays limitrophes qui y débarquent tous les jours avec comme seul objectif: trouver l’or enfoui dans son sous-sol ou bénéficier de ses retombées.

Mais à l’image des sites traditionnels d’orpaillage, cette exploitation est sans intérêt pour le Sénégal. Rien qu’entre 2011 et 2012, au moins 4 milliards sont passés sous le nez et la barbe de l’Etat. «Selon des estimations, 4 milliard F Cfa ont été distribués à des chercheurs traditionnels d’or au niveau des sites traditionnels d’orpaillage de 2011 à 2012. C’est important, mais cela n’a aucun impact chez les Sénégalais. Sur 10 orpailleurs, les 8 sont des étrangers», a déploré l’Inspecteur régional du Travail et de la Sécurité sociale de Kédougou.

Ousseynou Diop, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a souligné que ces orpailleurs parviennent à écouler leur produit en Guinée, au Burkina Faso au Mali ou en Côte d’Ivoire sans difficulté, la porosité des frontières aidant. Aussi c’est dans ces pays que les pris sont intéressants, car aujourd’hui les cours de l’or sont stables et les mineurs traditionnels parviennent à s’en sortir. Ce qui constitue un manque à gagner pour le Sénégal. «C’est une perte sèche», a renchéri l’inspecteur.
La preuve par des centaines de grosses motos stationnées au niveau des sites et servant à transporter du sable aurifère. Ces motos sont achetées au Mali à 400 mille F Cfa l’unité et dédouanées à hauteur de 100 mille F Cfa avant d’être introduites au Sénégal.

A l’en croire, même si on ne peut pas présager de là où l’or peut apparaitre, souvent, ces orpailleurs suivent de près les équipes de prospections sur le terrain. Ils sont bien informés, «quand ils ont écho de la découverte de quelque chose par ces dernier, ils se précipitent pour s’installer les premiers et le message passe vite. Ce qui fait qu’en quelques jours l’affluence est impressionnante et les premiers finissent par leur abandonner le site».

D’où la nécessité d’assainir le secteur de l’orpaillage traditionnel. Pour cela, il y a un énorme travail à faire: «Il faut identifier les sites, le nombre de personnes qui y travaillent même de façon traditionnelle et créer des comptoirs de vente».
Seulement il faut tenir compte du fait que les sites se créent de manière spontanée. Et comme tous les secteurs de l’économie non formelle, « l’Etat n’a pas une prise réelle sur le secteur. Mais une chose est sûre, l’Etat va intervenir, quand et comment, je ne saurais le dire pour l’instant», explique l’inspecteur régional.

Comme son nom l’indique, Kharakhéna signifie «nous sommes venus chercher de l’or» en Malinké. Ici toute la terre appartient aux Keita qui donnent l’autorisation de creuser des puits aux orpailleurs, a expliqué le chef de village Fadian Keita, aujourd’hui très âgé. «Nous sommes venus chercher de l’or et nous trouvons, mais tout le monde ne peut pas trouver. C’est difficile de dire quelle est la plus grosse quantité d’or jamais trouvée ici, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a de l’or», a-t-il confié.

Pour le chef de village, en ce qui concerne les conditions et le rapport avec les orpailleurs, «il n’y a pas d’impôt à payer. On n’impose rien aux orpailleurs, mais pour chaque puits creusé, il y a une quantité de sable à remettre au chef de village». A lui de détecter le métal précieux dans ce quota, s’il en trouve, tant mieux, sinon, c’est la malchance.

En revanche, une sorte de milice est mis en place par cette autorité «suprême» pour assurer la sécurité des travailleurs sur les sites. Arborant tous des gilets par lesquels ils s’identifient, ses agents de sécurité sous la houlette du chef de village, sont au nombre de 46. A partir de 16h, c’est la descente. Donc à 17H plus personne ne reste sur les sites. C’est une consigne de sécurité à respecter pour éviter tout vol, que certains abandonnent leurs puits pour poursuivre les recherches au niveau ceux déjà creusés par d’autres qui sont rentrés.

Ces activités ne sont pas sans conséquences et entraînent d’autres dégâts collatéraux. Du point de vue environnemental, cela provoque de la déforestation car des arbres sont coupés sans permis (le permis de coupe est payant). S’y ajoutent les produits toxiques, tels le cyanure et le mercure, qui peuvent atteindre les cours d’eau pendant l’hivernage, en ce sens que non seulement des puits creusés ne sont pas complètement refermés, mais les bas-fonds, une fois remplis d’eau, communiquent avec les cours d’eau et peuvent atteindre la nappe phréatique.

Sur le plan sanitaire, avec le développement de la prostitution, le taux de prévalence VIH et autres maladies sexuellement transmissibles sont très élevés. Il y a aussi des cas de diarrhée et de bilharziose. Pis ce sont des milliers d’enfants qui sont employé au niveau de ces sites. Ces jeunes, malléables, peuvent se mouvoir dans les puits au diamètre qui ne fait même pas un mètre, mais très profonds. Ici l’unité de mesure est la taille de l’homme («kéé lo» en langue bambara). Un puits atteindre une profondeur de 8 à 12 «kéé lo», soit environ entre 20 et 30 m avant d’être abandonné.