EXPLOITATION TRADITIONNELLE D’OR A KEDOUGOU : Un fléau assis sur l’ignorance des droits des enfants

Dans les sites d’orpaillage à Kédougou, on se soucie peu du respect des droits des enfants. Un nombre pléthorique de mineurs y travaille inlassablement. La majeure partie d’entre eux ont abandonné les études pour se rendre dans les «diouras» (sites d’orpaillage) avec leurs parents. Une exploitation qui les expose à tous les dangers.

KEDOUGOU – La soif de l’or est la chose la mieux partagée dans les sites d’orpaillage dans la région de Kédougou. Pour la recherche du métal précieux, aucune force humaine n’est négligée, même celle des enfants. Une force d’ailleurs très prisée. Tous les jours, en début d’après-midi, c’est un soleil de plomb qui tape sur Kharakhéna, un site d’orpaillage traditionnel situé à 90 km de la ville de Kédougou. La chaleur excessive ne freine aucunement la recherche effrénée de la richesse à laquelle s’adonnent des milliers d’individus de tout âge. Sur une grande étendue, tout le monde s’active sur une seule activité. On n’accède pas facilement au trésor, il faut creuser des trous pouvant aller jusqu’à 30 mètres de profondeur. Et parmi les nombreuses difficultés, il faut une bonne condition physique. 
De grosses pierres sont répandues ça et là sur des terres argileuses. Il faut également s’armer de vigilance pour éviter de trébucher sur les plaques de boues ou les trous déjà exploités. Ces puits partiellement fermés par des branches d’arbres présentent de nombreux dangers. Les visages en sueur et les tenues pleines de boue montrent toute la difficulté que cette chasse effrénée au trésor fait courir à tout ce monde. 
C’est pourtant dans cet environnement hostile que des mineurs travaillent. Kharakhéna est un tout nouveau site d’orpaillage. En seulement quelques semaines, il s’est transformé en un gros village, un melting-pot où plusieurs nationalités se confondent. Les langues parlées dans ce «trésor» sont, soit le manding, le pulaar, le bambara, l’anglais où le français. Du haut d’une colline, le regard innocent, une petite fille, habillée d’un pagne et d’un tee-shirt boueux, attire l’attention du visiteur. S. C. est âgée de moins de dix ans. Frêle, les pieds nus, les cheveux jaunis par le soleil, le visage plein de sueur, la gamine confie être en compagnie de sa mère : «Je travaille avec ma mère, quand les grands creusent, il me donne une partie du sable extrait et moi je fais le lavage pour chercher de l’or». 
Le petite S. C, qui vient de Kondo, un village qui se trouve derrière Saraya, dit n’avoir jamais fréquenté l’école française. «C’est un travail dur, mais ma mère me dit que si on trouve de l’or, on aura de l’argent». À la question de savoir si elle a déjà vu la poudre du métal précieux, elle sourit et rétorque : «Bien sûr, c’est une poudre jaune or». 


M. B. B n’a, elle, que 9 ans. Même si elle a quitté tôt l’école, elle se débrouille pas mal en français. «J’ai quitté Kédougou avec mes parents qui travaillent dans les sites d’orpaillage. J’ai fait des études jusqu’à la classe de troisième primaire. Je travaille comme mécanicien de moto et je transporte aussi de l’eau. On ne donne pas d’argent, je fais l’apprenti», narre-t-il. 

S. D. 16 ans : «Je veux devenir très riche et être président de la République» 
Plus ambitieux que ces camarades, S. D, 16 ans, nourrit lui de grands rêves. «Je veux devenir très riche et être président de la République», nous dit-il. Un destin auquel, il continue de croire, malgré le travail pénible qu’il fait dans ce site d’orpaillage. 
«Je travaille avec mon père. Et je fais un peu de tout, le travail est dur pour les grands, à plus forte raison nous les petites. Et depuis qu’on est venu à Kharakhéna, on n’a pas encore trouvé d’or. On espère juste en trouver un jour, bientôt. Moi, je ne creuse pas, mais je fais le tri des cailloux qu’on extrait des puits. Et dès fois aussi, je peux entrer dans les puits», explique le jeune garçon qui renseigne que ce sont ces activités sur le site d’orpaillage qui ont mis un frein à sa carrière scolaire. «J’étais à l’école, mais c’est mon père qui m’a fait quitter l’école pour la recherche d’or», précise l’adolescent. 
Ces jeunes, des enfants essentiellement, sont exploités dans ces mines traditionnelles d’or, souvent par leurs propres parents, en totale ignorance de tous leurs droits, dont celui à l’éducation. Le fléau gagne du terrain dans la zone aurifère de Kédougou, du fait de la soif de l’or. La ruée vers l’or fait en effet oublier à tous ceux qui évoluent dans l’orpaillage la fragilité des enfants, devenus des ouvriers, alors même qu’ils n’ont même pas encore dépassé l’âge de la puberté. 
Il faut souligner cependant que des structures comme l’Ong «La Lumière», en partenariat avec l’Unicef, l’Office des Nations unies contre la drogue (Onudc) , le projet BIT/AECID et la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes en particulier des enfants et des femmes, mènent des activités de sensibilisation contre ce fléau. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’un Centre d’accueil, d’orientation et de réinsertion socioprofessionnelle a été créé à Kédougou. 

MOUSSA DIOP, SPECIALISTE DE LA COMMUNICATION A L’UNICEF «Il y a là un cocktail explosif de dangers auxquels il ne faut aucunement exposer les enfants»


KEDOUGOU – L’exploitation des enfants dans les sites d’orpaillage de Kédougou ne laisse pas indifférent le Fonds des Nations unis pour l’enfance (Unicef). C’est dans cette optique que Moussa Diop, spécialiste de la communication de ladite institution internationale, a souligné, à l’issue d’une visite au niveau du site d’orpaillage de Kharakhéna que : «Ce que vous avez sur ce site dépasse l’entendement. Les conditions dans lesquelles les enfants sont exploités sont complètement en contradiction avec toutes les conventions relatives à la protection de leurs droits. Il y a là un cocktail explosif de dangers, un environnement auquel il ne faut aucunement exposer les enfants. On manipule ici des produits dangereux pour extraire l’or et les conditions d’hygiène sont complément en porte-à-faux avec les recommandations en ce qui concerne la santé, non seulement des adultes, mais surtout des enfants». 
Dénonçant fermement le travail des enfants, il poursuit : «Nous sommes dans un environnement où les enfants sont exposés à toutes sortes de dangers. Je veux parler des abus sexuels, de la drogue, du Vih, entre autres. La place des enfants n’est pas dans les zones d’exploitation d’or. Un enfant doit être dans un environnement où il est protégé contre tous les dangers. Nous travaillons en synergie avec d’autres institutions des Nations unies pour une meilleure protection des droits des enfants».